Tlell, Haida Gwaii, 20 avril 2015
Le feu est comme une vie. On passe du temps à le préparer. On y met du soin. Il faut trouver le meilleurs bois, fabriquer un allume feu et aménager le foyer. Avant même qu’il ne soit allumé on commence à préparer la suite, amassant des plus grosse bûches, les coupant à la bonne longueur.
Puis vient le moment de l’allumage. C’est un moment calme, silencieux. Tous retiennent leur souffle: va-t-il prendre? Comme une vie, des fois ça ne prends pas et il faut tout recommencer. On en prend soin, on souffle dessus. Tous le regardent, il devient le centre de l’attention. Ceux qui l’ont fait sont fiers et inquiets à la fois. A mesure que le feu grandit, l’organisation initiale s’effondre. Il est imprévisible et n’en fait qu’à sa tête, mais s’épanouit néanmoins. Parfois c’est aussi le moment qu’il choisit pour mourir, si trop peu d’attention lui est portée.
Une fois grand, s’il est réussi, le feu sera rassembleur. Tout le monde se tiendra autour, des regards seront échangés, des bouteilles vidées, peut-être y aura-t-il une guitare, un jeune couple ou juste un bush man nostalgique.Tous se sentiront bien autour de ce feu. Puis à mesure qu’il vieillit l’assemblée se retire. On y prête moins attention. Et au moment d’aller se coucher, on le laissera mourir tranquillement. Peut-être un solitaire restera, muet et pensif, jusqu’à la fin. Peut-être pas.
Que ce soit dans les montagnes de l’île de Vancouver, sous la pluie, accompagné par un chercheur d’or, dans un village d’exercice couvert de givre, avec un feu allumé au diesel du camion, dans le bien aimé Hôtel du Bûcheron, une cabane de montagne en bordure du Sarek, au bord du St-Laurent avec les aurores boréales et deux belges ou tout simplement chez mes parents un matin d’hiver, j’ai cette réflexion à chaque fois que j’allume un feu. Et ceux qui me connaissent savent à quel point il est difficile de capter mon attention une fois un feu allumé. Le langage et l’énergie de celui-ci me fascine.
Trekhorizon 