“Bien dormi? Stressé pour demain?” N. me regarde par-dessus son café. J’ai les yeux encore collés, et n’ai pas l’intention de les ouvrir tant le soleil matinal est fort sur ce balcon de Copenhague. “Half excited, half stressed”. Elle sourit, puis retourne à la rédaction de son article. Demain j’ai rendez-vous de bonne heure avec le Professeur A. M. et quelques autres scientifiques à l’aéroport. Après un changement à Kangerlussuaq et à Aasiaat, nous devrions arriver dans la soirée à Qeqertarsuaq.
Il y a une année, alors que j’étudiais à Copenhague, et après l’échec administratif de mon projet au Svalbard, le Professeur A. M. du centre sur le permafrost de l’université de Copenhague me propose de partir au Groenland. Je passerai donc l’été sur l’île de Disko, à mesurer des flux de carbone dans la toundra sous différentes conditions d’addition de phosphore, azote et eau. A. M. mène des projets de recherches à Disko depuis plusieurs années, dont l’axe principal est d’évaluer la réaction des écosystèmes arctiques terrestres face aux changements climatiques. Pour moi c’est une excellente opportunité de vivre l’expérience de la vie en station scientifique (je m’attends – à tort peut-être – aux même dynamiques que la vie en mission militaire à l’étranger), de rencontrer des personnes avec les mêmes intérêts scientifiques et surtout de participer à un projet intéressant qui devrait me permettre de terminer mes études.
J’étais bien à l’abri à Vienne et tout s’est accéléré quand je suis revenu en Suisse. Un changement familial majeur est venu questionner mon mode de vie, et je ne m’y attendais pas du tout. J’ai donc passé ces trois semaines à réparer ma cabane forestière (Walden n’est pas loin) et étudier la littérature scientifique, deux points de repères faciles. Je n’ai rien contre mes proches, mais on devient vite accro au calme qu’offre la distance.
Celui qui pense que je vais me contenter de suivre sagement le programme organisé par l’université me connaît bien mal. J’ai demandé deux semaines supplémentaires à la fin du projet, pour faire le Arctic Circle Trail de Kangerlussuaq à Sisimiut. J’affronte donc mon premier défi: faire tenir les affaires pour trois mois, plus un trek solo en environnement froid, dans un bagage soute limité à 20 kg. Et oui, la tente sous le bras en bagage cabine est accepté!
Au fond de mon sac il y a Ella Maillart et Slavomir Rawicz pour pouvoir m’évader de temps en temps. J’ai aussi pour projet de rencontrer l’équipage de Atka (Atka – Un voilier au service des rêves arctiques), qui m’intéresse énormément.
Je me réjouis de pouvoir bientôt en dire plus, de voir si mes attentes étaient fondées et de travailler sur ce projet. Bon été à tous, ils annoncent du -8°C pour lundi à Qeqertarsuaq!