Le soleil s’est couché

On se calme tout de suite, il fait pas nuit hein! Mais ce mardi 24 juillet, le soleil est passé sous l’horizon pour quelques dizaines de minutes pour la première fois de l’été. Alors on est monté en haut d’une montagne, on a fait une fondue (600g de fromage danois dilué dans 3 dl de bière pour deux personnes), on a imaginé le coucher de soleil à travers le brouillard, on s’est ramassé la pluie givrante et on est redescendu sous une belle neige poudreuse. Un bivouac sur glacier absolument parfait!

Et le reste? Bah ça va, imhotep…

Je trouve sans cesse de nouvelles techniques pour prendre des notes sous la pluie, ou pour écraser les moustiques avec les mains prises. Comme je suis maintenant tout seul sur mon site, j’en profite pour chanter Brassens ou Ferrat (certains diront qu’il y a ici une corrélation avec la météo). La seule frustration est de collecter des données dont le résultat ne sera visible qu’après traitement de celles-ci. En clair, je ne peux pour le moment pas dire si j’obtiens des résultats intéressants ou pas.

Ici nous aimons joindre l’utile à l’agréable. Alors quand deux collègues devaient aller prélever des échantillons d’eau à une dizaine de kilomètres de la station, nous somme partis camper à sept pendant deux jours. Un magnifique bivouac, avec vue sur les icebergs le soir, et sur la mer de brouillard le matin. Puis une marche en altitude pour aller rejoindre une langue glacière. Nous marchons sur des grands névés, la fonte étant en retard cette année. S’ensuit une initiation de traversée de rivière pour mes collègues. Les chaussures mettront du temps à sécher, mais une fois le coup de stress passé tout le monde a le sourire. C’est quand même magnifique de marcher dans la toundra, sans sentier, dans une vallée énorme! Il y a des sources chaudes à la végétation vert fluo que l’on voit de loin et des formations basaltiques absolument superbes. J’aime particulièrement observer la rivière, qui ici n’a pas subis les « corrections » des politiciens… Et comme nous étudions tous un sujet différent, la marche est ponctuée de petits points de cours : botanique, géologie, géomorphologie, météorologie, tout y passe!

A la station la vie en communauté se passe avec ses hauts et ses bas. Il y a très peu de moyens de s’isoler à l’intérieur, alors quand il fait un temps affreux nous sommes un peu à l’étroit. Mais tout le monde respecte bien les signaux non verbaux, et il est ainsi possible de s’isoler virtuellement.

J’ai trouvé un vélo, sans frein ni vitesse, c’est très pratique pour aller faire les courses. Et ça fait un bien terrible de pédaler un peu dans les rues de Qeqertarsuaq. Il y a ici une usine de crabes et nous pouvons les acheter entiers au prix en gros. Je ne suis pas un grand fan de la nourriture qui vit dans l’eau salée, ni de l’élevage en général, mais je suis curieux. C’est bon, mais compliqué à manger. Le moment devient grand quand une dizaine de personnes sont réunies et cassent les pattes avec leurs dents pour ensuite en aspirer le contenu. Bienvenue à notre concert de craquement sinistres, de bruits de succion et de grognements de satisfaction, entrecoupé de temps à autre par quelqu’un qui demande la mayonnaise. Le plus drôle lors de ce genre de banquets aux allures barbares, c’est que votre voisin de table peut tout à fait être un professeur très reconnu d’une très grande université ou un illustre spécialiste d’une rareté au nom imprononçable.

On a tous quelque chose qui commence à nous manquer à un moment donné. Pour Anders c’est les festivals, pour Cathrine c’est danser sur la plage et pour moi c’est les feux de camps (il n’y a rien à cramer dans ce pays!). C’est très bien tombé puisque samedi soir il y avait un festival sur la plage de Qeqertarsuaq : musique, danse, bières et feu de palettes! On était content! Pour la première fois nous avons aussi vu la lune se lever derrière les icebergs. Après quelques bières, certains ramènent des cônes de travaux, ou des panneaux de signalisation. Nous nous sommes bien adapté à notre environnement et nous sommes rentrés à la maison avec un petit iceberg. En effet, nous étions à cours de glaçons pour les long drinks. Quelques coups de marteau pour faire rentrer la bête dans le congélateur et l’affaire est réglée.

Une tradition groenlandaise est le kaffemik. L’idée est de préparer beaucoup de cake et de café, et d’inviter ses amis. Mais comme les maisons sont plutôt petites, l’événement s’étale en général sur tout un après-midi. Si la place vient à manquer, ceux qui sont là depuis le plus longtemps doivent partir. Et pour ne pas casser l’ambiance ils s’éclipsent discrètement en offrant leurs places au nouveau venus. Ainsi les meilleurs amis s’arrangent à venir suffisamment tard pour pouvoir rester plus longtemps. Chez Morten, le directeur scientifique de la station, nous rencontrons l’unique policier de l’île, une famille d’autrichiens en attente d’une pièce de rechange pour le moteur auxiliaire de leur voilier (et qui espèrent ne pas être trop retardés pour faire le passage du nord-ouest), un bâlois en vacances, et plein de locaux très sympathiques. Avec toutes les expériences que nous menons à proximité, je trouve toujours intéressant de discuter avec les locaux. Nous ne parlons pas forcément des campagnes scientifiques, mais plutôt de qui nous sommes et de comment nous apprécions la vie ici.

Vous avez été plusieurs à me demander mon adresse. Il paraît qu’elle fonctionne, il paraît aussi qu’une lettre pour moi se ballade autour du Groenland depuis une semaine.

Arctic Station
3953 Qeqertarsuaq
Greenland

Bonnes salutations à tous. Ici c’est un beau soir d’été: 9°C sans vent et la lune va bientôt se lever.

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